Portrait du chef Nicolas Guercio

Rencontre avec le chef Nicolas Guercio

Date de publication :

Rencontrez Nicolas Guercio, chef pâtissier exécutif du prestigieux Mandarin Oriental Lutetia Paris depuis 2019. Globe-trotter passionné, ce virtuose du sucre et du chocolat a forgé son talent à travers le monde avant de poser ses valises sur la Rive gauche. Maître dans l'art du trompe-l'œil et des créations spectaculaires, il émerveille les gourmets avec des pâtisseries aussi techniques qu'esthétiques, à l'image de son célèbre Lulu, le chiot en chocolat devenu mascotte de l'hôtel. 

Son parcours

Qui est Nicolas Guercio, le chef pâtissier exécutif du Lutetia ?

Nicolas Guercio est le Chef pâtissier exécutif du prestigieux palace Mandarin oriental Lutetia Paris, depuis 2019. Il y dirige une brigade de 20 personnes et y a signé des créations déjà iconiques. Il décrit son parcours comme une suite d'opportunités, de rencontres, le tout peut-être guidé par une bonne étoile. Un chef humble, au parcours riche !

Une formation dans le salé, pour plonger ensuite dans le sucré

Qu'est-ce qui lui a donné envie de devenir pâtissier ? Pour Nicolas, ce ne sont pas les recettes de sa grand-mère qui ont provoqué son envie de plonger dans la gastronomie. Il qualifierait plutôt ça de joyeux hasard.

A 16 ans, il ne sait pas trop vers quelles études s'orienter. Il suit alors un ami qui a commencé un CAP cuisine. L'ambiance autoritaire en cuisine "calme son côté rebelle" et lui apporte la rigueur dont il avait besoin. Il enchaîne son CAP, BEP et Bac professionnel cuisine, avec une mention complémentaire dessert de restaurant.

Le sucré, pour exprimer sa créativité

Les desserts à l'assiettes lui plaisent, il plonge alors dans l'univers du sucré, dont il n'est jamais reparti ! La pâtisserie, pour Nicolas Guercio "c'est beaucoup plus simple, c'est cartésien. 100 grammes de sucre, c'est 100 grammes de sucre. En cuisine, tout est relatif en fonction des ingrédients ". 

En plus du côté gourmand de ces nouvelles saveurs qu'il travaille au quotidien (chocolat, caramel, vanille plutôt qu'ail et poisson), le chef trouve aussi dans la pâtisserie et les desserts à l'assiette un côté artistique, une manière de s’exprimer. Il apprend à travailler le sucre, comme le verre et le chocolat, comme l’argile. Deux matières qu'il adore.

Mais ces matières demandent de la pratique et du temps pour les maîtriser. Le chef se forme donc en autodidacte, sur son temps libre, essais après essais.

Un parcours à l'internationale

Londres, Dubaï, les Seychelles, Saint Pétersbourg, le parcours du chef est riche d'expériences internationales, que ce soit dans des restaurants ou pour des boutiques de renom.

Ce que lui a appris de travailler à l'étranger ? "Beaucoup de système D. Les conditions sont différentes, le personnel n'est pas toujours très qualifié, les clients n’ont pas les mêmes demandes. Mais cela apprend des façons différentes de travailler !". Ses expériences à travers le monde lui permettent aussi d'évoluer et d'avancer dans sa carrière

Un passage à Ferrandi Paris

De retour en France en 2014, le chef intègre la prestigieuse école culinaire Ferrandi, où il sera formateur pendant 3 ans. "Sans mauvais jeu de mot, c'était très ... formateur" explique le chef. "Cela pousse à des remises en question, sur la pédagogie et la communication. Quand les élèves ne parviennent pas au résultat escompté, est-ce que j'ai bien donné les bonnes instructions ?"

Comment transmettre les bonnes informations lorsqu'on travaille en équipe, des compétences clés qui lui sont aujourd'hui essentielles au Mandarin Oriental, où il dirige une brigade de 20 personnes !

Ses créations

Lulu, le chien shar-peï mascotte

Conaissez-vous Lulu ? C'est un chiot Sharpey en chocolat noir Manjari 64%, mascotte de l'hôtel Lutetia. Lors de sa création il y a quelques années, le chef ne s'attend pas à un tel succès lorsqu'il partage la photo sur les réseaux sociaux. Mais la photo du chiot en chocolat fait le buzz, et les commandes s'accumulent. Ce trompe-l'oeil vole presque la vedette à la création de Pâques !

Tout naturellement, le chef et son équipe déclinent donc Lulu dans d'autres créations :

  • En bûche de Noël, l'adorable chiot couché sur un coussin.
  • A l'occasion du Salon du chocolat, une grande tour de 5 mètres de haut, avec 250 Lulu, le tout surmonté d'un grand Lulu de 80 kilos, le tout toujours réalisé en chocolat Valrhona.

La bûche Lumière pour Noël 2025

Chez les pâtissiers professionnels, Noël s'anticipe des mois à l'avance. Alors que nous échangeons pour cette interview, la bûche de Noël 2025 imaginée par le chef est déjà prête depuis bien longtemps.

La  bûche Lumière  célèbre les 115 ans du palace. En son centre, une lumière brille sous un dôme de chocolat blanc et évoque une bougie en porcelaine au décor sculpté. Un élégant transfert imprimé sur le chocolat évoque la façade de l'hôtel et les toits parisiens. "Je suis fier du résultat, et surtout de me dire que cette lumière qui arrive à mes yeux a traversé cette matière chocolat, c'est fou", nous partage le chef.

Côté dégustation de cette bûche Lumière : une couronne "avec des goûts simples, qui font plaisir", et un résultat rafraîchissant et craquant.

  • Mousse à la vanille de Tahiti,
  • Pain de Gênes pamplemousse,
  • Crémeux thé noir bergamote,
  • Marmelade aux agrumes, avec un méli-mélo de fruits crus, confits et zestés. 

Galette, flans, trompe l'œil, tea-time...

Le chef se fait également remarquer sur les réseaux sociaux grâce à ses recettes au visuel soigné et élégant.

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Comment décririez vous votre style de pâtisserie ?

Pour répondre à cette question, le chef dirait que sa pâtisserie est lisible. En termes de goûts notamment, elle doit être compréhensible par les clients. "Il ne faut pas partir trop loin si on veut répondre aux attentes des personnes qui achètent nos pâtisseries".

On a aussi pu qualifier sa pâtisserie de « mécanique  », en référence à ses créations innovantes ou animées : une lumière dans la bûche éponyme, un système de rotation avec moteur l’année précédente, un œuf s'ouvrant à l'aide d'une manivelle. "J'aime créer ce petit côté féérique".

Comment voyez-vous l’évolution de la pâtisserie ?

Côté recettes, le chef nous confirme qu'elles doivent être retravaillés pour moins de gras, plus de végétal, moins de sucre, et s'adapter aux allergies.

Afin de se tourner vers une pâtisserie plus végétale, Nicolas Guercio a récemment suivi une formation du chef Jordi Bordas, "le dieu du végétal, c'était vraiment bluffant." Au Lutetia, des alternatives végétales sont déjà bien présentes : l'équipe travaille la margarine, les crèmes végétales et a déjà des alternatives sans gluten et sans lactose pour les afternoon tea.

L'usage du sucre aussi doit être raisonné. "Mais il joue aussi un rôle de texturant, donc certaines recettes ne fonctionnent pas si on en enlève trop" rappelle le chef.

Côté visuel, les outils qui sont aujourd'hui à disposition des chefs leurs permettent de repousser les limites de leur créativité. Qu'il s'agisse des imprimantes 3D qui permettent de faire des moules innovants, ou même des équipements du laboratoire. "La pâtisserie des années 80 et celle d'aujourd'hui n'ont rien à voir".

Son processus créatif

La recherche d'inspiration

Où trouvez-vous l’inspiration pour vos créations ? Comment naît une nouvelle recette dans votre tête ?

"Cela dépend ! Je m'inspire des projets, des rencontres, des objets que je vois en boutiques, c'est très large". L'inspiration gustative peut aussi se décliner sur un visuel. Les idées et la recherche d'inspiration tourne en tâche de fond dans la tête du chef : "Parfois les gâteaux me réveillent la nuit ! Mais parfois, on n'arrive pas à trouver la bonne idée et c'est frustrant".

Un autodidacte, de la bibliothèque à l'impression 3D

Utilisez-vous des outils ou des technologies innovantes pour vos créations ?

La réponse est oui ! Dans son laboratoire, le chef combine une imprimante 3D et une thermo formeuse, pour réaliser des empreintes et des moules sur-mesure, pour des guimauves ou des bonbons de chocolat par exemple. 

Nicolas Guercio aime apprendre de nouvelles choses "J'ai besoin de charbon pour ma locomotive". Il s'est formé tout seul à la modélisation 3D avec le logiciel de l'imprimante, de même qu'à ses débuts il s'est formé tout seul en empruntant des livres de pâtisserie et de recettes à la bibliothèque.

Lorsqu'il débute sa carrière "Il n'y avait pas Google, pas Instagram, tout était beaucoup plus lent". Aujourd'hui internet, l'intelligence artificielle et les réseaux apportent plus d'inspiration, ainsi qu'une certaine émulation. "Tu publies quelque chose que tu as fait, 3 jours après un autre chef a reproduit ta création. C'est compliqué d'être original, mais ça créée une émulation, ça pousse toute la profession à progresser".

L'aventure MOF

Quand on lui demande "Quel moment de votre carrière vous a le plus marqué ?", le chef répond qu'il s'agit du parcours du Meilleur Ouvrier de France.

Nicolas Guercio participe une première fois au concours en 2022, où il est sélectionné comme finaliste. Mais seuls 2 chefs repartent avec le col tricolore cette année. (Le saviez-vous, les jurys ne sont pas obligés de décerner le titre à un nombre défini de chefs. Il est possible qu'aucun chef ne soit consacré)

Le concours du MOF est très exigeant, il demande une préparation rigoureuse et un gros investissement de temps personnel. Lors des épreuves, les candidats ont 2 jours d'épreuve pour réaliser un buffet de 2m20, avec des pièces artistiques en sucre et en chocolat et des pièces de dégustation.

Cette année, le chef retente l'expérience et est en pleine préparation. Nous lui souhaitons nos meilleurs vœux de réussite. "Cela me donnerait une nouvelle dynamique, ce serait comme le début d'une nouvelle carrière, d'un nouveau challenge" Et de faire avancer un peu plus loin cette fameuse locomotive !

Une passion de la matière : sucre et chocolat

Le travail du chocolat : l'importance de respecter la matière

Cette passion pour le chocolat a été renforcée lorsque Nicolas Guercio a pu participer à un voyage à Madagascar pour découvrir la plantation Millot, avec Valrhona. "C'était un rêve de pâtissier, un rêve d’enfant. J'ai pu ramener deux cabosses, les faire fermenter comme je pouvais dans une étuve et j'ai fait mon propre chocolat !". Quelle fierté de pouvoir réaliser le processus de A à Z, après avoir découvert le fruit en plantation.

De la cabosse au chocolat, l'expérience du cacao de A à Z

Quand on lui demande des conseils pour le travail du chocolat, le chef nous parle de respect et de discipline. "Il faut respecter la cristallisation (lors du tempérage), ne pas aller plus vite que la musique. Le chocolat est une matière qui s’apprend, qui se respecte." Une sagesse que le chef a acquis avec l'expérience : "on a tous essayé, de trouver des raccourcis, d'aller plus vite... mais ça ne fonctionne pas." Il ajoute à propos du sucre et du chocolat. "Ce sont de super matières, il y a tellement à apprendre. Surtout avec le sucre, qui est très challengeant" 

D'autres questions au chef

Avez-vous eu un mentor dans votre carrière ?

Nicolas nous parle d'Eddie Benghanem. C'était son chef au Ritz Paris alors que Nicolas était apprenti en 2002 : "C'était très dur. Mais il m'a donné la niaque, l’envie d’avancer et l’envie de lui prouver que je pouvais y arriver." Un coup de boost pour la carrière du jeune chef, qui le pousse notamment à partir à l’étranger vers de nouvelles expériences.

Comment gérez-vous la pression et le stress au travail ?

Lorsqu'on travaille dans un palace, les situations stressantes sont nombreuses. Au moment du service, mais aussi pour satisfaire les exigences des clients de l'hôtel. La clé du chef ? La sophrologie ! Cette discipline proche de la méditation lui a donné des clés pour prendre du recul, s'écouter et gérer la pression au travail.